jeudi 24 novembre 2011

Le shôjo en kit, partie 3.1

(Rappel, les extraits de mangas se lisent de gauche à droite.)


Ô lecteur, si le temps t’a paru long, sache qu’il a filé pour moi tel le grand condor dans le ciel bleuté, tandis qu’Estéban ramassait Zia qui a chuté. Mais j’ai pensé à toi, toi qui a ce shôjo quasi monté entre les mains et dont il ne reste que quelques pièces à assembler avant de pouvoir l’encadrer fièrement et dire à tes amis c’est Vea…moi qui l’ai fait ! Je t'ai même préparé deux articles pour le prix d'un, pour rattraper mon absence.

Si entre temps tu n’as eu aucune idée de comment avancer ton shôjo, je ne te dirai pas que tu es un assisté, mais je le penserai très fort.

Car ce que nous allons voir aujourd’hui, c’est du bonus, c’est l’écharpe à carreau de ton héros, c’est la mèche rebelle dans le dégradé de l’héroïne. Avec la partie 1 et 2 de ce kit, je te l’ai dit et je te le redis : tu as de quoi construire un shôjo tout à fait honorable.

Lecteur, ton manque de foi m’accable mais je le mettrai sur le compte de nos liens qui sont encore si frais et fragiles. J’appelle donc d’abord à ma rescousse, la puissance de Ao Haru RideLe prototype ultime du shôjo où il ne se passe rien.
Une héroïne au grand cœur + un bel héros taciturne et mystérieux >> une absence totale de communication efficace = 11 chapitres de vide intersidéral à base de « Ah lala, très certainement, il ne m’aime pas. Ah lala, il est si beau, je vais le renifler/suivre/observer… Non je ne suis pas une psychopathe, non. »

Et des fans qui t'expliqueront combien (et bien mieux que moi) c’est génial, tout ça.

Là, tu me crois maintenant ? Alors tu penses bien qu’entre ton héroïne qui va paniquer toute seule et se faire des films quand Higuratoshi croisera un quart de seconde son regard à la cantine, et Higuratoshi qui va la sauver des mille et un obstacles qui parsèment un trottoir ou un couloir de lycée, tu l’as ton shôjo ! Et t’as pratiquement déjà tes fans qui t’attendent alors que t’as encore rien fait.

Mais voilà, il te reste quelques scrupules. Pas que ça te dérange d’arnaquer le lecteur hein, mais comme tu es un esthète, tu as envie de faire ça dans les règles de l’art. Et je te comprends. Entuber, d’accord, mais pas n’importe comment, tu as des principes. 
Et puis, à avancer à l’aveugle comme ça, tu risquerais d’entuber le lecteur avec des techniques originales, alors que ton but reste de suivre la trace des anciens et de leurs écueils (si tu es vicieux, je te conseille cependant de taper dans les techniques d’entubage originales, à base de néo-réalisme et de néo-psychologie, ce sont elles qui mettent le doute et feront croire aux lecteurs qu’ils lisent un shôjo d’un nouveau genre, un shôjo original, un shôjo intelligent. Alors que non, ils lisent juste Ao Haru Ride).

C’est donc ici que j’entre en action. Je vais supposer que l’abus de takoyaki a rendu tout mou ton cerveau et je vais donc répondre à ces quelques questions inutiles qui te taraudent pour te permettre  d'avancer serein dans la voie du shôjo facile.

Tu as créé Sakumi et Higuratoshi et tu te dis « Me voilà bien avancé ! Qu’est-ce que j’en fais ? Il faut qu’ils tombent amoureux l’un de l’autre… mais comment ?? »

Il va de soit que tu es déjà en train de te prendre la tête pour rien (lire trop de shôjos t’aurait-il donné cette mauvaise habitude ?) Sakumi tombe amoureuse d’Higuratoshi parce qu’il est hot. Et Higuratoshi tombe amoureux de Sakumi parce qu’elle a son petit truc en plus. Point. Ça peut te paraître trop flou, à toi qui aimes tant fouiller la psychologie du personnage et qui as besoin de rationnaliser tout ça. Quoi de mieux alors que de matérialiser sous les yeux des lecteurs la naissance de l’amour, grâce à ces quelques raisons possibles (toutes réelles et approuvées par le Comité de Création de Shôjo).

>> L’héroïne va tomber amoureuse du héros:
- parce que le héros l’a effleurée.
- parce qu’elle s’est retrouvée collée à lui (dans le métro/bus) et son petit cœur a fait dokun-dokun-dokun

« Cette… cette sueur dégage une cosmo-énergie qui a raison de mon coeur. Je l’aime. »

- parce que le héros est amoureux d’elle ou lui a dit qu’il l’aimait.
- parce que héros a mis ses doigts dans sa culotte (si, si ).
- parce que le héros l’a ramassée/protégée.
- parce que héros est beau et l’a embrassée.
-parce que le héros lui a rendu service et qu’il est gentil.
- parce que le héros est cool.
Etc.

Ces raisons vous paraissent maigres et superficielles ? Dois-je vous rappeler que Chiwa elle-même nous avoue que tout ce qu’elle recherche, c’est un type gentil, capable de se prendre en charge tout seul et plus grand qu’elle (il lui faut définitivement un héros de shôjo) :
"Oh ben moi hein, vous savez, tant qu'il chausse du 47..."

>>Le héros va tomber amoureux de l’héroïne :
- parce qu’elle va un jour avoir l’idée d’avoir une personnalité et lui dire en face ce qu’elle pense (rassurez-vous, ça n’arrivera qu’une fois).
- ou l’inverse : 
"Mais... mais tu PARLES ? C'est décidé, je t'aime."

- parce qu’elle va lui soigner un bobo.
- parce qu’elle est si maladroite que c’en est attachant.
- parce qu’elle est gentille/lui a rendu service (ça leur fait un point commun remarquez).
- parce qu’elle est si pure et innocente.
- parce qu’elle fait un truc qui est une 1ère dans la vie du héros, peu importe quoi.

"C’est la première fois qu'on rejette ma beauté ! C’est le… le… critère ultime ! Je t’aime Sakumi !"


Etc.

Ou… parce qu’on ne sait pas. Comme dans Kindan no koi de ikou : « on se connaît pas, on couche ensemble, ça y est on est un couple et on s’aime plus que tout, même au-delà de la mort ». Oui, je vous le disais, il n’y a bien que vous pour vous embêter avec ce genre de détails.

N.B. : S’il vous vient l’idée loufoque de vouloir justifier plus avant l’amour de vos personnages, je sais pas moi, par exemple parce que l’héroïne admirerait un trait moral du héros, pensez à semer un peu de manque de logique par-ci, par-là, histoire de rattraper cette flagrante erreur. Prenez un peu exemple sur Hapi Mari :
l’héroïne admire l’honnêteté et la droiture d’esprit du héros >> elle l’aime. Il semble ensuite que le gars ne soit qu’un vile manipulateur qui lui ment/se sert d’elle >> peu importe, elle l’aime quand même. Comment ça, dans ce cas-là elle ne devrait plus l’aimer puisqu’elle se trompait à son sujet ? Mais les gars, vous allez arrêtez avec votre logique, là, au placard. Vous oubliez.

Bon ! Nous avons à présent des éléments solides pour construire une relation durable. Higuratoshi va tomber amoureux de Sakumi parce qu’elle est la seule de l’univers à s’inquiéter pour lui quand il a fait tomber son stylo. Quant à lui, il va avoir l’idée saugrenue (mais non moins géniale) de passer son index dans les cheveux soyeux de Sakumi pour la remercier, et elle va tomber amoureuse.

On se demande véritablement ce qui pourrait empêcher ce bel amour de durer...

Une première chose essentielle à retenir si vous voulez que les choses se passent bien : progressez toujours avec lenteur et manque de logique

Si vous allez trop vite ou pire, si vous faites preuve de logique, votre shôjo reposant sur des bases aussi bancales qu’une absence d’histoire et une absence d’amour crédible, vous risquez de faire voir au grand jour les failles de votre œuvre. Un peu de logique à un endroit, et tout le manque de logique ailleurs risque de paraître plus gros que le nez d’un gaijin au milieu de sa figure ! Tout irait trop vite ou serait résolu en un instant. Voire, aucune histoire ne serait possible.

Remarquez, ce serait éminemment subversif. Mais cela ruinerait votre entreprise. Ainsi, ne soyez pas étonnés si toutes les choses que nous allons voir par la suite ont en commun le fait de paraitre absurdes. Les ¾ des épisodes et personnages de votre shôjo seront absurdes, ou agiront suite à des pensées et motivations absurdes. Vous vous êtes toujours demandé pourquoi, ben maintenant vous savez.

Passons à présent aux choses sérieuses. Higuratoshi et Sakumi ont tout pour s’aimer (ou découvrir qu’ils s’aiment), mais de terribles obstacles vont s’élever sur la route qui mène au bonheur et créer un peu d’action. D’où vont-ils venir ?
Eh bien tout d’abord, de nulle part. Nous allons tout simplement nous servir des caractéristiques naturelles de nos deux héros pour les faire apparaître. C’est le pouvoir de l’illusion scénaristique.

Ce que je vais appeler ici l’illusion scénaristique, c’est tout ce qui va consister à faire croire au lecteur qu’il se passe quelque chose (tension, action, suspens …) quand il ne se passe absolument rien. C’est vraiment un concept sur lequel va reposer l'essentiel de votre shôjo. Voici quelques exemples de classiques créés grâce à ce concept :

1 La fausse embrouille :
Le héros ne fait PAS quelque chose (il ne trompe pas l’héroïne, il ne lui dit pas qu’il ne l’aime pas etc.). L’héroïne croit qu’il le fait (suite à une excuse bidon). Les deux ne vont pas s’expliquer (on a vu ça précédemment), ou très mal et en surface. Et l’héroïne va donc agir en conséquence (fuir/le frapper/aller voir ailleurs/piquer une crise…) >> Tension dramatique ! Obstacle !

Ce concept est large, il reprend tout ce qui tient aux « prises de tête » de l’héroïne qui vont l’amener à se créer des problèmes à partir de pas grand-chose (par exemple, à cause de l’attitude ambiguë d’Higuratoshi et ces moments « étranges » où il va l’ignorer par amour, la violer par amour, ou quand il va oser oublier la St Valentin etc.).
Ou à partir d’embryon de problèmes ou de soucis qui pourraient être réglés si l’héroïne se servait de son cerveau et/ou de son corps : par exemple Sakumi va égarer un objet que lui a offert le héros et plutôt que de lui en parler, elle va psychoter, le fuir, être insupportable avec lui etc.

Ou même à partir de trucs plutôt sympas mais qui, pour une raison liée à l'absurdité nécessaire à tout bon shôjo, vont faire criser l'héroïne :

"Hein ? Comment ça tu trouves que je suis la plus mignonne !! Prends ça, connard !"


De même, lhéroïne va choisir, volontairement, de se mettre dans la merde. Même si elle sait certaines choses et pourrait agir en conséquence, elle va choisir de ne pas le faire. Cela va donner droit à des scènes où l’héroïne va penser « Ah lala je suis en train de me faire entuber car c’est un connard » et où elle va tout de même se laisser entuber comme si elle ne savait pas. Voilà de quoi créer de l’action à pas cher.

Rappel : vos personnages agissent à l’inverse de la logique. Un problème ? Je rechercherai bien une solut… Non ! >> Un problème ? Je l’amplifie. Une situation délicate ? Et si je m’en sortais… Hmm je me baigne dedans, je vais même y faire des figures artistiques, hop-là. (Nana-Hachiko est passée maître en la matière, toute autre héroïne devrait se former auprès d’elle).

Je crois bien qu’il n’y a que dans un shôjo qu’un couple peut se séparer et ne plus se parler pendant au moins 10 ans avant de découvrir que haha, c’était un malentendu haha, le gars ne te trompait pas, il ne s’est même rien passé.

Et voilà,rien qu'avec ça, la moindre situation va prendre 4 chapitres à se résoudre au lieu de deux bulles de dialogue, merci qui ? Merci Mamie Vea. Voyons la suite dans un article suivant, pour le confort de vos yeux...




(Source des extraits de mangas : http://www.mangareader.net, http://www.mangafox.com/, http://manga.animea.net/)

1 commentaire:

  1. Youpiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!

    c'est vrai que Hachi est passée maître ... c'est du grand n'importe quoi on croirait qu'elle se complait dans le malheur ... c'est donc du vrai shojo !

    Bravo !!!

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