dimanche 13 novembre 2011

Le shôjo en kit, partie 1

(Rappel, les extraits de mangas se lisent de droite à gauche.)

Cher lecteur, tu es en veine. Alors que je m’appliquais à lister toutes ces choses récurrentes qui m’énervent quand je lis un shôjo, histoire de faire un début de blog prometteur, je me suis rendue compte que plutôt que de ne faire qu’en parler, j’allais en faire quelque chose d’utile. 

Eh oui, je suis comme ça, malgré mon aigreur, j’ai mes petits élans de bonté. Aussi, je t’offre gracieusement et avec tout mon amour : le kit du shôjo à monter chez toi, seul ou avec tes amis.

Tu as toujours eu envie d’écrire un shôjo, mais tu ne sais pas quoi raconter ? Heureusement mamie VEA est là. Installe-toi confortablement dans ton siège, ce Shôjo en kit © est fait pour toi.


Tout d’abord rassure-toi. Contrairement à une idée reçue, tu n’as absolument pas besoin de scénario. Ou en tout cas, pas d’une trame qui aille au-delà des aventures trépidantes qui peuplent la vie quotidienne d’une lycéenne (« G di slt a Anthony sur msn mé il a pa repondu. Ge fai KOI ??? »  « Karim a di kil m’aimé, tu kroi ke ça ve dir kil m’aime ???? » etc.). Quand bien même l'histoire ne se passerait pas dans un lycée.

Tu peux bien sûr aller au-delà, si tu es audacieux. Mais ce n’est en rien une nécessité. Je te propose ainsi un scénario de base qui a fait ses preuves :

>>Une héroïne va tomber amoureuse d’un héros, qui va tomber amoureux d’elle. (ça peut se faire dans un ordre différent, peu importe). 

Je ne dis pas que c’est le scénario de ¾ des shôjos (notamment parce que je me retiens). Mais c’est surtout qu’avec ça, tu ne pourras pas te tromper. Ne crains pas pour autant que ton histoire ressemble à tous les autres shôjos qui existent déjà. C’est un fait : elle leur ressemblera. Mais ça n'a jamais gêné personne.

A partir de là, tu as le choix. Soit tes héros vivent leur amour, mais traversent des embûches (à grande ou petite échelle). Soit ils traversent des embûches, puis vivent leur amour.

N’aie pas peur de laisser libre cours à ton esprit créatif ! Tu peux très bien proposer un scénario où les héros vivent des embûches, puis vivent leur amour, puis vivent à nouveau des embuches ! Les combinaisons sont infinies ! (Tes héros peuvent même être déjà amoureux, mais vivre des embûches qui les empêchent de vivre parfaitement leur amour, c'est osé, mais c'est envisageable).

Maintenant que tu as ta trame principale, il te faut un élément bien plus essentiel : ton héroïne. Comme pour le scénario, il y a une base dont tu ne vas pas déroger :

>>Ton héroïne sera maladroite, relativement commune, et moche-jolie.

Moche-jolie, c'est un concept qui consiste à dire que tout le monde la trouve moche, alors que hop, on lui enlève ses lunettes et/ou on la coiffe et transmutation ! Elle devient jolie. (Concept dont les teen movies sont assez friands). Mais voyez plutôt :
Il ne fallait que 5 centièmes de seconde à X-Bomb pour retirer ses lunettes et devenir une beauté intersidérale. Mais revoyons la scène au ralenti.

Il est évident que ce concept marche également sur moi :

Mais ce n'est pas tout :
>>Ton héroïne sera également peu douée mais méritante. 

Peu importe le pourquoi de son mérite, ça peut être à cause de son bon cœur, ou d’un passé tragique ou d’une volonté à toute épreuve (ou les trois). Ou parce qu’elle poursuit un but avec courage et persévérance. Elle peut tout à fait ne jamais atteindre son but, l’important c’est qu’elle essaye (c’est un peu l’inverse d’avec Yoda).
Oui, mais tu es méritante.

Certes, il y a des héroïnes qui sont douées, intelligentes, premières de la classe, dotées d’humour, font du karaté...

Mais dites-donc les cocos, déjà, ça court pas les shôjos, et ensuite il ne faut pas oublier que l’idée de base est que la lectrice s’identifie à l’héroïne.
Et vous n’allez quand même pas me dire que la majorité du lectorat qui bave devant Kaname ou Gin est constituée de 1ère de la classe pleines d'assurance, qui sont également des gymnastes expertes, des 1er prix de science, ne ratent jamais leur cours du soir de kyokushinkai et bien sûr, passent leurs week-ends à rédiger une thèse d’anthropologie pour compléter leur collection ?
Bon. Bon. On est d’accord.

IMPORTANT : N'aie jamais peur de trop en faire avec la maladresse de ton héroïne. Ton héroïne peut parfaitement être capable de montrer sa culotte sans s'en rendre compte, puis d'être prise en photo par un inconnu, sans que cela soit surprenant :
"Je ne suis pas bête, je suis différente"

Bien ! Lecteur, tu as la base de ton héroïne (sans mauvais jeu de mots), par exemple Sakumi, commune et méritante, dont le but est de réaliser un golem de fer en coquilles d’huîtres. Qui échoue, certes, mais qui persévère (c’est très important). 

Il te faut à présent étoffer cette base avec quelques traits de caractères ou physiques en plus. Voyons d’abord 3 caractéristiques qui me semblent essentielles :

1 - La Malformation invisible :

Tu vas penser à coller à Sakumi une malformation/déformation du genou, de la cheville, ou des deux.
Cette déformation est invisible à l’œil nu (pas besoin de la dessiner) et n’a pas besoin d’être mentionnée.  Mais lorsque tu dessineras, ou feras dessiner Sakumi,
 il faut toujours que tu gardes cette déformation en tête. Toujours. C’est elle qui lui permettra de tomber :
dès qu’elle devra courir et qu'il y aura un obstacle par-terre (un vieux ticket de métro fera très bien l'affaire):

Satané caillou, difficile de l'éviter

Oh non, encore un caillou fourbe !


"J'ai à peine effleuré ce pied, me voilà toute déséquilibrée !"

dès qu'elle devra courir tout court :

Damned, une rue parfaitement plane ! C'est traître !


"Argh, ma malformation, j'avais oublié !"

- dès qu'elle devra marcher/se lever/se servir de ses jambes :

"Oh mon dieu une piscine ! Je n'aurais pas dû me retourner !"



"Aucun obstacle ! J'aurais dû me méfier !"

- Dans de telles circonstances, vous devinez l’épreuve que peut représenter pour elle un escalier : 

"Je ne devrais pas courir dans un escalier."



"Oh non, j'ai encore tombé ! 
Pourquoi ne suis-je pas fichue de descendre un escalier correctement ?"
(oui elle est tombée absolument sans aucune raison.)

2) Le p'tit truc en plus

Je vous ai dit que Sakumi devait être la plus commune possible afin que la lectrice s’identifie, c’est vrai. Mais paradoxalement, elle doit sortir du lot afin que le héros s’intéresse à elle.

A partir de là, vous avez 2 choix :
-  Vous pouvez faire passer tous les seconds rôles féminins, voire la population de la terre entière, pour vraiment plus bête et bourrée de défauts que Sakumi. Si bien qu’en comparaison, elle sera préférable et on croira qu’elle a un truc en plus. En effet, Sakumi retient l’attention du héros grâce à un truc assez commun ou normal, mais auquel personne n’avait jamais pensé avant. 

Très sérieusement, regardez ce pauvre Ryusei acteur de kabuki, ténébreux et misanthrope, qui va passer toute sa vie en solitaire car personne n’a essayé plus de cinq minutes de vraiment sympathiser avec lui.  Jusqu’à ce que cette brave jeune fille au caractère enjoué et au bon cœur se démarque car elle, elle persévère, elle ne fait pas comme tout le monde. (Oui ce que j’aime ici, c’est qu’on a une combo des meilleures idées). Diable cette rumeur comme quoi la majorité des Japonais s'efforce d'agir comme un groupe et de faire comme tout le monde serait donc vraie ?

Ryusei, l'homme qui aurait eu plus de chance s'il n'avait pas vécu au Japon.

Bref, saisissez bien le principe. Sakumi n’a pas besoin d’être intéressante. Il faut juste que le héros ait eu une vie de merde avant de la rencontrer. Il peut être un musicien célèbre qui n’a jamais rencontré que des femmes voulant son corps/autographe jusqu’à présent, alors que Sakumi, elle, accepte de l’aider à trouver son chemin dans le métro. Il peut avoir été adulé et désiré par toutes les femmes, alors que Sakumi, elle, lui résiste au moins plus de 27 secondes (mais en général c’est un fake, dans le fond, elle le désire aussi).

-  Sinon, vous pouvez cesser d’arnaquer le lecteur et ajouter vraiment un truc en plus à Sakumi (je veux dire, autre chose que son incroyable “persévérance”). 
Oh, encore une fois rassurez-vous, pas besoin de vous creuser la tête. En effet, les ¾ du temps, le truc en plus de Sakumi est ce que je rangerai dans les caractères secondaires : elle est enjouée, elle est facile à entub… optimiste et généreuse, a bon cœur, courageuse etc.

>>Si vous êtes vraiment audacieux, vous pouvez lui rajouter un vrai truc-en-plus qui tue (héritière d’une lignée de dragons, des superpouvoirs, elle est vampire ou douée en sport ou excellente ouvreuse d’huîtres etc.) mais là, je vous trouverais presque border-line.

A noter :
Il est extrêmement RARE que Sakumi se démarque par son intelligence, je veux dire, une vraie intelligence. Une qui se voit. Pas une qui consiste à simplement préciser qu’elle l’est (et ajouter quelques titres de classiques dans ses lectures pour montrer que "merde elle lit, quoi, quel cerveau, et puis des classiques qu'on apprend à l'école en plus, elle ne doit pas être si idiote". Bref, ne faites pas comme Stephenie Meyer et sa Bella.).

 Il est également rare qu’elle et le héros tombent amoureux sous l’incongru et futile prétexte qu’ils auraient des choses en commun, s'entendraient vraiment très bien, seraient complémentaires et autres âneries. Restez SIMPLES. Vous voulez un shôjo qui marche, avec le plus grand public possible. Pas une œuvre originale ou qui perturbe le lecteur.

3) Sakumi panique pour rien.

Caractéristique éminemment utile pour faire un long shôjo plein de rebondissements. Un rien (un mot, une situation, une pensée fugace…) doit pouvoir tétaniser et/ou paniquer votre héroïne. 
"Oh mon dieu ! Ce type m'offre un donut ! PANIQUE !"



"J'en tomberais presque..."

Dans le même style, elle doit être à même de se faire des films et ensuite de s'emporter toute seule, et surtout, surtout, de ne pas chercher à se poser et réfléchir. Ou pire : à résoudre la situation en demandant des explications et en écoutant les autres (demander des explications, muahahaha, vous en avez de bonnes). Elle peut faire semblant mais jamais aller jusqu’au bout. La panique l'en empêche.

Vous pouvez bien sûr simplifier la vie à Sakumi et la mettre dans une situation gênante pour de vrai  (« Oh non Yoshi, est-ce vrai que tu as tué ton meilleur ami comme me le dit Mirumi, qui certes, est amoureuse de toi, méchante et un peu louche, mais quand même… » « Euh… je… » « Aaaah je le savais, salaud ! »). Tant que vous pensez à éviter que la situation se clarifie. 
Et vice-versa : on peut croire un truc faux sur Sakumi, ça la met dans la merde mais SURTOUT, elle évite de se défendre ou quoi. Parce que répliquer : c’est mal. Et avoir réponses à tout je vous dis même pas. Tout cela est évidemment lié à la caractéristique suivante (ces deux-là étant un peu indisociable).

3) Sakumi pense 3 fois plus qu’elle ne parle

Si c’est 15 fois plus c’est encore mieux. Et si elle ne dit pas ce qu’elle pense, alors là, je dépose ma plume et vous serre la main.

Comme je vous le disais, une bonne héroïne de shôjo se tait lorsqu’elle se fait entuber. Ou elle dit un truc qui surtout, ne la sort pas de cette situation (c’est important qu’elle subisse). Et si elle a le malheur de penser quelque chose d’approprié (à dire ou à faire) cela doit rester une pensée.

Apprenez à énerver un peu votre lecteur, lui il voit que Sakumi aurait pu faire un truc utile ou logique, mais qu’elle décide sciemment de ne pas le faire.


Voici tout un tas de caractéristiques dans lesquelles tu peux piocher tes préférés, sachant que tu peux bien sûr tout mettre et plus encore, nous ne sommes pas à un paradoxe près. Chaque caractéristique en plus est un gage de « complexité » dans ton histoire, ce qui permettra de la faire durer. Certaines peuvent compléter et étoffer les caractéristiques essentielles. (La plupart de ces caractéristiques sont bien évidemment là pour forcer le respect du héros).

- Sakumi n’a pas conscience d’être mignonne (dans sa candeur et son innocence naturelle). Elle n’ose pas se mettre en valeur. Elle est pure et naturelle. 
Ce n’est pas elle qui a envie de tas de chaussures à la mode et de petites robes courtes, ou encore, de maquillage. Elle n’est pas consciemment girly (ce qui reviendrait à la rendre trop commune), elle est girly-malgré-elle. Ce sont les autres-là, qui la forcent, elle n’a pas le choix. 
NB : Ça peut être aussi bien des amies, que son propre (futur) mec qui la met en valeur. Dans un bon shôjo,  même le 1er lycéen venu sait se servir d’un fer à frisé.

"T’as de la chance qu’on soit dans un shôjo. Parce que dans un Hentai, je te dis pas à quoi aurait servi ce fer…"

- Les gros seins de l’héroïne sont en option, suivant vos propres complexes. Mais le mieux est que l’héroïne, si elle a un avantage mammaire, n’en soit pas consciente ou en soit gênée. C’est encore une qualité-malgré-elle. Les petits seins sont également en option suivant vos propres complexes. 

- Sakumi est une jeune fille à « l’heureuse nature », elle rit aisément, se contente de peu.

 - Sakumi a bon cœur (elle aide son prochain, quand elle se fait entuber elle en redemande, elle pardonne au pire ennemi, c’est un peu Jésus croisé avec Jane Bennet).

- Sakumi est faible et soumise.

- Sakumi est rebelle. Et non, ce n’est pas incompatible avec la caractéristique précédente. Vous pouvez parfaitement alterner les moments où Sakumi est incapable de réagir et accepte de souffrir, avec ceux où elle fait un acte de rébellion impensable, comme, je sais pas moi, répondre. Rappelez-vous que son degré de rébellion est simplement de ne pas faire toujours comme tout le monde.

- Sakumi manque de sommeil. Elle s’endormira n’importe où, en pleine journée, peu importe. Cela permet en effet des situations où le héros peut : abuser d’elle/la contempler en rêvassant/penser tout haut.
"Nous sommes en pleine journée mais je dormirais bien sans raison devant le type qui m'aime."

- Sakumi a vécu une tragédie.

-Sakumi est renfermée et mélancolique. Non, ce n’est pas incompatible avec sa nature enjouée. Vous pouvez très bien décider que Sakumi est de nature enjouée, mais que suite à une tragédie, elle porte depuis un masque de mélancolie. Ou qu'elle est de nature mélancolique mais joue le masque de "je vais bien tout va bien". Un peu d’imagination que diable, je ne vais quand même pas faire tout le travail à votre place.

- Sakumi a un petit problème avec la sexualité. Pour elle, un bisou, c’est pervers. Oui. Ben oui. Même quand c’est un p’tit copain qui veut juste embrasser sa p’tite copine. Un homme qui désire une femme est un obsédé, une femme qui désire un homme est une obsédée etc.(en un mot, Sakumi est une frustrée). Cette caractéristique peut se décliner plus subtilement, mais elle est une de celles qui permet un tas de situations-obstacles donc même si elle vous exaspère, ne la rejetez pas aussi catégoriquement. (et puis c’est une caractéristique qui se combine très bien avec la panique).

- Sakumi est tel le roseau, qui plie mais ne rompt pas. Alors n’hésitez pas à bien en rajouter sur elle (nous verrons ça ensuite)

- Sakumi est courageuse-des-fois

La liste est innombrable, comme je disais, je ne vais pas vous mâcher le travail. Je vous laisse avec tout ça former votre héroïne, et dans le prochain article, nous verrons les autres éléments indispensables à votre shôjo.

(Source des images d'extraits de manga : http://www.mangareader.net et http://www.mangafox.com/)

6 commentaires:

  1. Huohohohohho !

    Le "T’as de la chance qu’on soit dans un shôjo. Parce que dans un Hentai, je te dis pas à quoi aurait servi ce fer…" m'a tué.

    Je vais de ce pas créer mon shôjo !
    (N'empêche que parfois, un caillou, c'est vachement traître ! )

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  2. Haha, vraiment cet article est génial ! Très humoristique et en plus il va beaucoup m'aider pour le shôjo que je vais faire. Je vous remercie ! ♥

    Yuki

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  3. Ma chère Yuki, je suis heureuse que cet article t’ait plu.

    Quand tu parles du « shôjo que tu vas faire », j’avoue que tu me fais un peu peur. Quand tu dis que cet article « va beaucoup t’aider », tu fais tressauter mon pacemaker. Et quand tu dis qu’il est « très humoristique » tu m’inquiètes car je me demande si l’ont ne pourrait pas penser alors qu’il aurait une autre fonction (être instructif par exemple ou utilisable en conditions réelles).

    En tous les cas, si jamais quelqu’un écrit réellement un shôjo en suivant ce kit, je serais fort heureuse de lire le résultat.

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  4. Ne vous inquiétez chère VEA, je ne vais pas suivre à la lettre le mode d'emploie de ce kit.(je suis une rebelle)
    Je cherchais des embûches pour mes personnages qui ne sont pas vraiment des personnages types de shôjo (je suis toujours une rebelle), mais j'ai compris qu'il ne faut pas vraiment se casser la tête.
    Un shojo, c'est facile à faire. Vous l'avez prouver en quatre article, moi je voudrais le prouver en en faisant un. Bien sûr, je n'ai pas pris la voix de la facilité (sinon, mon héroïne s'appellerais Sakumi et son but serait de faire un golem en coquilles d'huître), je veux que mon manga soit un minimum original -malgré que vouloir faire un golem d'huître est pas mal niveau originalité.
    Dans tous les cas, je vous remercie pour le travail que vous avez fait. (avec la larme à œil ♥)

    Yuki

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  5. Au secours!!! Un donuts!

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