La série est encore au cours aussi nous nous contenterons d’une mini-chronique
Pourquoi Ao Haru Ride ?
Ao Haru Ride, le shôjo dont on nous vante les mérites, LE shôjo si vrai, frais, naturel... c’est le shôjo qui fait genre « Nan… mais moi, je suis un bon shôjo là, un shôjo réaliste, ne confondez pas tout. » Alors qu’en fait, non.
Bien sûr, bien sûr, au milieu de shôjos classiques à base de jeune écervelée bête et maladroite, et de jeune héros maître du monde, Ao Haru Ride semble faire bonne figure :
Des gens qui ont l’air simples, normaux, « vrais ». Pas de groupie tarée qui fomente d’éventrer l’héroïne avec une tronçonneuse sous prétexte qu’elle serait amoureuse du même homme qu’elle, pas de héros demi-dieu-mannequin-sculpteur sur glace, pas de scènes rocambolesques à l’extrême où l’héroïne découvre que sa mère n’est pas sa mère et que son grand frère n’est pas son frère et qu’elle doit sacrifier son amour pour son honneur etc. Certes.
Alors forcément, à côté, on se dit qu’Ao Haru Ride, c’est réaliste, c’est plus naturel, c’est plus vrai. Oui, mais non. C’est juste exactement la même chose que le reste, on a simplement épuré les codes et on a minimalisé la dramatisation. Résultat des courses : il ne reste plus rien. Et on se fait arnaquer.
Ao Haru Ride, c’est un peu comme aller voir un film irano-moldave qui s’appellerait « La Balade du Printemps Bleu » et où on passerait 2h à regarder des plans à contre-jour sur des gouttes de rosées, des regards qui se fuient, des gens qui vivent-en-sous-entendus, avec beaucoup de silences, de blancs, de longueurs, de tensions avortées, de larmes étouffées. On en sort avec l’impression d’avoir vu un truc intelligent. Alors qu’en vérité, on a juste vu un truc chiant.
Le pire étant que l’intrigue et son déroulement sont aussi tout aussi irréalistes et ridicules que ceux de n’importe quel shôjo. Je vous en prie, jugez par vous-même.
Titre : アオハライド Ao Haru Ride
Auteur : 咲坂伊緒 Io Sakisaka
Volumes : 3 (en cours)
Chapitres : 13 (dont un chapitre 0)
Date : 2011
Genre : Shôjo « moderne » faussement appelé aussi « shôjo original/intelligent ». En réalité : vide intersidéral.
Synopsis-spoiler :
Au collège, Yoshioka aime Kou parce qu’il est moins bruyant que les autres (je schématise). Kou aime Yoshioka sans raison particulière. Mais ils se perdent de vue. Au lycée, ils se retrouvent, mais Kou n’arrête pas de répéter qu’il a vachement changé, sous prétexte qu’une fois toutes les trois heures, il est sarcastique avec Yoshioka. Yoshioka veut comprendre pourquoi Kou a autant changé, et espère pouvoir l’aider…
Grâce à mes pouvoirs para-psychiques, même si la série n’est pas finie, je peux d’ores et déjà vous prédire que Yoshioka et Kou finiront ensemble.
Ao Haru Ride, du « rien » avec une pincée de « plus rien » :
Dans Ao Haru Ride, comme dans le shôjo le plus basique, l’action et la tension sont permises grâce à du rien. Et comme dans un shôjo de base, rien ne tient debout.
Par exemple, Yoshioka a un GROS problème, et on vous présente ça au début, on croirait qu’elle a le sida. Mais non, en fait c’est juste que Yoshioka n’aime pas les garçons parce qu’ils sont un peu bruyants et brusques voyez-vous :
Ah lala, trois garçons qui parlent fort et rigolent, PANIQUE
Alors forcément, elle tombe folle d’amour de Kou, qui n’est pas bruyant. C’est donc l’occasion de le sniffer par amour, logique. Mais hélas, Kou disparaît du jour au lendemain (possiblement enlevé par des extraterrestres ?).
Yoshioka vit un autre problème. Un problème dramatique : elle est mignonne. C’est quand même super grave et on ne tient pas assez compte de nos jours de l’ostracisme dont souffrent les gens beaux. Une idée reçue voudrait qu’ils aient gloire et succès mais en réalité, comme l’explique si bien Yoshioka, ils sont persécutés par les autres et mis au ban de la société (enfin, ici, de la classe).
Encore une fois, comme on est au Japon comme on est dans un shôjo, il semble qu’il n’y ait pas d’exception possible à la règle, aussi TOUTES les filles mettent Yoshioka de côté (mais que font les autres « nanas belles » ?)
Plutôt que de passer outre, ou de ne pas se prendre la tête, Yoshioka décide de changer de personnalité et de faire genre « je suis pas mignonne je suis un garçon manqué bourrin qui mange beaucoup » (c'est terrible...), afin de contrebalancer son physique et de rétablir l’équilibre. Une réaction pleine de bon sens s’il en est.
Yoshioka est ainsi heureuse d’être acceptée au lycée et de ne plus être rejetée en raison de sa grande beauté.
On découvre assez vite que son « acceptation sociale » consiste à être simplement copine avec deux connasses aigries (qui n’aiment pas les jolies filles). Qui ont aussi d’ailleurs l’air d’être les deux seules pour lesquelles le fait d’être mignonne pose un problème, en fait, là qu'on en parle... mais bon. Passons.
Yoshioka s’accroche de tout cœur à cette « fausse amitié », tout en constatant elle-même qu’elle ne lui apporte rien : ses "amies" l’enfoncent dès qu’elles le peuvent, et la laissent dans la merde dès que l’occasion se présente. Mais Yoshioka nous le répète : « c’est mieux que rien ». On ne voit pas en quoi vu que ça ressemble plutôt à du rien (elles ne sont même pas vraiment amies, techniquement), en pire (ça lui crée des emmerdes).
Mais Yoshioka a tellement peur d’être mise à l’écart et de côté, comme cette pauvre Yuuri, si gentille, mignonne et douce. Et avec laquelle elle s’entend si bien en plus…
Se dire qu’elles pourraient être amies, comme une série de coïncidences énormes vont le démontrer par la suite, ne lui passe pas par l’esprit. Elle préfère rester arbitrairement avec deux salopes et entretenir une amitié inexistante et fausse, c’est tellement plus logique.
On découvre pourtant bien vite qu’il y a d’autres personnes susceptibles de copiner simplement avec elle pour ce qu’elle est... comme dans la vraie vie un peu. Mais Yoshioka n’est pas capable de le voir car elle n’a pas reçu sa part réglementaire de neurones à la naissance.
Il va donc falloir le retour de Kou pour que, grâce à leur deux cerveaux combinés, elle comprenne qu’elle manque sans doute de bon sens. Elle va prendre la défense de Yuuri que ses deux amies accusent de façon méchante. Et… c’est le drame, elle va perdre ses « amies ». Et tout ça c’est à cause de Kou ! Non, de sa faute elle ! Enfin non, c’est à cause du fait que ses "amies" sont des pétasses mais ça, elle ne le comprendra jamais. Tout est forcément de sa faute à elle (elle a grand cœur).
Enfin bref, plus intéressant : Kou est donc revenu, et attention mesdames et messieurs, comme il va le répéter à Yoshioka à grands coups de parpaings en béton allemand : il a CHANGÉ. ATTENTION il n’est plus comme avant, il n’est plus comme celui qu’elle AIMAIT (et qu’elle connaissait bien, je veux dire, ils avaient échangé quatre mots). Non. Il est différent.
On peut se demander s’il veut dire par là qu’un alien a pris possession de son corps (ce qui collerait avec sa précédente disparition) mais non. Parce qu’à part qu’il est devenu plus beau et plus ténébreux, il n’a pas vraiment changé.
Il est toujours gentil et compréhensif, il va dépanner/sauver un nombre incalculable de fois Yoshioka , juste qu’il va lui balancer une vanne de temps en temps histoire de montrer que han, il est froid et pas sympa.
Croyez-le ou non, mais ça marche. Mais pas trop longtemps, sinon il n’y aurait pas assez de rien dans ce shôjo…
Car oui, grande particularité de Ao Haru Ride qui va le distinguer des autres shôjos et participer à sa fausse réputation de réalisme (ou « shôjo frais ») : on remarque bien vite que chaque point susceptible de créer du drama avec du rien se simplifie et se dissout dans les secondes qui suivent, histoire qu’il ne se passe vraiment rien.
C’est ainsi que Kou, froid, distant, ne veut plus jamais lier de contact avec personne car il a en fait… perdu sa mère et ça fait trop mal de perdre les gens auxquels on s'est attaché ! TENSION et PROBLÈMES. Mais il découvre - en y réfléchissant quelques secondes grâce à Yoshioka et son optimisme - que ah ben, c'est la vie tout ça, faut surmonter la douleur et aimer de nouveau, c’est mieux en fait. Et voilà, fin du problème.
Yuuri, la meilleure amie de Yoshioka est elle aussi amoureuse de Kou (car il l’a aidée à traverser une rivière), TENSION !! Oui mais c’est pas grave, on est amies, on s’aime quand même, on va s’épauler, choupi tant mieux.
Et ainsi de suite. Ao Haru Ride c’est ça : de la tension avec du rien, mais vite ! Faut éviter qu’il se passe trop quelque chose, alors dès qu’on peut on vire la tension.
Comme d’habitude, le « rien » se base sur des partis pris ou logiques totalement irréalistes. Donc ceux qui vous ont dit que Ao Haru Ride était un shôjo réaliste se sont simplement laissés avoir par les apparences, à savoir l’absence des trucs aberrants grossis dix fois qu’on a habituellement dans les shôjos.
Parce que Ao Haru Ride, c’est quand même un shôjo où quand une nana croise un mec qui se balade en pyjama torse nu chez lui, elle se met à hurler :
"Naaoooooooooooooon ! Un TORSE NU AAAAAAAAAAAAH"
Puis à en déduire logiquement qu’il vient pour faire l'amour ou la violer (l’influence néfaste de Haou Airen est partout) :
Ao Haru Ride, shôjo réaliste s'il en est.
Sans compter les passages de sniffage-du-mec-que-j’aime :
"Vite, ma dose"
Sans compter ceux où il faut partager une même bouteille d'eau :
"Est-ce que je lui dis pour mon herpès ?"
Donc bon, dire que c’est un shôjo réaliste et « vrai », c’est un peu comme dire qu’un film français est réaliste parce que comparé à un blockbuster américain, quand même...
Ao Haru Ride, c’est aussi une accumulation d’échanges et de situations où il faut être japonais pour comprendre. Non parce que sinon, je vous assure qu’on ne voit jamais le problème.
Par exemple, Kou reproche à Yoshioka d’être toujours attachée à son lui du passé, alors qu’il a CHANGÉ. Outre que c’est stupide car elle a parfaitement le droit d’être attachée à un passé sympa, outre que les gens ne changent jamais vraiment et lui encore moins, comme le manga le démontre par la suite, Kou en déduit que Yoshioka est une looseuse. Voilà… voilà. Non mais, ne… ne cherchez pas le lien logique. "Tu aimes un moi que je ne suis plus ! Looseuse !" "euuuh... tu aimes le crabe, espèce de euh... d'étourdi ?"
Il y a plein de petits passages comme ça. C’est comme la logique tordue de Yoshioka qui copine pour « ne pas être seule » mais, plutôt que de se faire vraiment des amies (par exemple, je sais pas moi, avec des gens susceptibles d’être des amis) se prend la tête à se faker une personnalité et tout ça pour plaire à deux connasses qui la maltraitent… mais… juste…. Pourquoi ? Non rien, c’est gratuit, c’est dans sa tête.
Et la façon dont Kou la convainc d’arrêter est tout aussi tordue que celle dont elle se prend (encore) la tête ensuite en se disant que naaaon, que va-t-elle faire maintenant, comment, pourquoi, la vie, compliquée, tout ça…
>>Donc si on résume, à ce stade : on a des habituelles tensions illogiques, une absence de communication efficace et d’utilisation de neurones, un beau ténébreux, une fille optimiste au grand cœur, du rien qui repose sur du rien… et vous allez encore me dire que c’est un shôjo original, réaliste et intelligent ? Mais dites-moi, vous seriez presque d’encore plus mauvaise foi que moi… ?
Alors non, ne lisez pas Ao Haru Ride, ne vous faites pas avoir vous aussi. Voilà.
( Source des extraits de mangas : http://www.mangareader.net/)